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Portrait de territoire : Calais

Tourisme côté quartier d'Opale

On aurait pu débarquer à Calais, avec notre plus beau vélo, pour une excursion au cœur de la Côte d’Opale sur la véloroute 4, arborant un cuissard cycliste des plus chatoyants.

On aurait pu tout aussi bien s’y rendre, embarquer en Ferry vers l’Angleterre et observer in situ les effets du brexit et de la livre qui dégringole tout en faisant le plein de beans et mugs à l’effigie de Kate and William.

On aurait pu, également, en musardant à Blériot plage, s’offrir une virée au parfum désuet des stations balnéaires de la Belle Epoque : sable fin et petites cabanes de plage en ligne d’horizon.

On aurait pu. Oui…mais non. Et en allant à la rencontre de la toute nouvelle équipe Politique de la Ville, c’est une entrée plus confidentielle que l’on a choisie, privilégiant la déambulation dans les deux quartiers prioritaires de l’agglo Cap Calaisis.

Castors et Coluche : L’histoire de deux jeunes quartiers jumeaux

Au-delà du beffroi de l’Hôtel de Ville marqueur – repère du centre historique, Calais, ville la plus peuplée de son département (72.500 habitants), est constituée de deux grands quartiers d’habitat social (Beau-Marais à l’est et  Fort-Nieulay à l’ouest) et du quartier ancien de Saint Pierre en quartier de veille depuis 2014.

A Beau-Marais, l’histoire urbaine contemporaine est en marche : le quartier des maisons castors donnant à voir ce qu’a pu être le mouvement d’auto-construction des années 50 et plus récemment, le PRU qui a permis d’ouvrir les grands ensembles, de repenser les circulations tout en intégrant du logement privé ainsi que des zones commerciales et d’activité. Notre balade urbaine fait montre d’un tissu urbain commerçant et moderne, incarnation plus ou moins fidèle de l’indicateur  de revenu médian de 6.300 € pour un peu plus de 8000 habitants datant de 2011, démentant peut-être au passage cette assertion de quartier le plus pauvre du Pas-de-Calais qui fige dangereusement le territoire dans un quasi déterminisme socio-économique.

Figure 1 : logement en accession pour permettre l'arrivée de nouvelles populations dans le quartier du Beau Marais

Mais alors, en matière de politique de la ville, doit-on se fier aux apparences ? Ne pas compter sur notre promenade calaisienne pour répondre à cette aporie, car à  contrario, côté Fort-Nieulay, de l’autre côté de la ville, avec 5.700 habitants et 8.000 € de revenus médians, le quartier devrait mieux vivre que celui de Beau -Marais, tout en restant dans la fourchette basse des indicateurs, et pourtant… le bâti, en souffrance, laisse une impression quelque peu ardue. Si c’est le nez en l’air, que nous embrassons d’un coup d’œil ce quartier de grands ensembles qui n’a pas bénéficié de rénovation urbaine, c’est bien en changeant de point de vue que l’onirique fait irruption. Là, à nos pieds, une virgule poétique,  rythme le quartier : "Blériot en dentelle", œuvre d’art réalisée par François MORELLET en 1989, réinscrit le quartier dans sa mémoire et dans l’identité des lieux, nous sommes bien à Calais.

Cheminer dans ces deux quartiers historiques de la Politique de la Ville, c’est éprouver la temporalité de cette dernière : entré en 1984 en DSQ le quartier du Fort-Nieulay est rejoint en 1989 par le quartier du Beau-Marais. Le renouvellement urbain y a été amorcé et, même si il est encore prématuré pour la récente équipe Politique de la Ville qui nous fait office de guide de s’avancer sur le sujet, il doit s’y poursuivre. Une nouvelle équipe, c’est également une énergie renouvelée et notre déambulation est l’occasion de discuter des projets présents et à venir pour les quartiers.

Figure 2 : Fort Nieulay avec au sol l'œuvre de François MORELLET

Ainsi, le dispositif du « SAS Coluche », qui, via une logique de partenariat, vise à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes décrocheurs âgés de 11 à 25 ans. Co-construit avec l’ensemble des acteurs,  ce dispositif d’accompagnement consiste à repérer et proposer aux jeunes concernés un parcours adapté gratifiant ayant pour effet de les réinscrire dans des logiques de droit commun. A terme, un lieu ressource pour les quartiers en émanera, localisé en dehors des périmètres concernés et ce, afin de générer de la mobilité.

Autre projet d’envergure que celui porté par le pôle ESS  de la maison solidaire et ferme urbaine : misant sur l’attractivité et la solidarité, l’îlot Jacquard, ancienne friche au cœur de Calais et l’ancienne école d’art mitoyenne, regroupera des associations d’insertion, des artistes, un espace de co-working déjà ouvert et une ferme urbaine. L’objectif étant de mixer les publics accueillis, favoriser la mobilité vers ce lieu depuis les quartiers et créer une dynamique de développement économique par les activités proposées sur place tout en promouvant des outils pédagogiques d’animation pour le centre-ville.

Figure 3 : L'espace de co-working est déjà ouvert dans ce futur pôle ESS sur l'îlot Jacquard

C’est donc une équipe Politique de la Ville en mouvement, à l’image de son territoire, que nous avons rencontrée: l’administration étant en cours de mutualisation, la compétence Politique de la Ville est aujourd’hui partagée entre agglomération et ville au sein d’un même service. Dans le cadre de la préparation de l’appel à projet Politique de la Ville l’équipe s’approprie la nouvelle plate-forme dématérialisée mise en place par la Préfecture du Pas-de-Calais.

Et en repartant, l’on se dit que cette découverte des quartiers calaisiens nous conforte dans le sentiment que, décidemment, le territoire urbain et la vie qui s’y déroule ne se prêtent pas franchement à une grille d'analyse rigide, tant ils incarnent l'ambivalence et la diversité de réalités complexes et polymorphes.