Instauré en 2001, réformé en 2014 et reconduit jusqu’en 2030, l’abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) autorisé dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) permet aux organismes d’habitation à loyer modéré (HLM) de bénéficier d’une réduction de 30 % de la TFPB dont ils sont redevables sur leur parc locatif social. En contrepartie, ces organismes doivent mettre en place des actions, des projets ou des travaux, visant à améliorer le cadre de vie des habitants et à améliorer la qualité des services qu’ils rendent dans les QPV. Ces contreparties sont précisées dans une convention triennale d’utilisation, tripartite (État, collectivités territoriales depuis 2014 et bailleur social) et annexées au contrat de ville.
Si l’ensemble des acteurs apprécie la souplesse de fonctionnement du dispositif, les montants en jeu (315 M€ de perte de recette fiscale pour les collectivotés en 2024, compensés à 40€% par l'Etat, représentant 124 M€) impliquent de renforcer les mesures de suivi et de contrôle selon la Cour des Comptes.
Les coopérations à l'échelle locale ont été renforcées à l'occasion de l'élaboration des nouvelles conventions annexées aux contrats de ville Quartiers 2030 et des plans d'actions afférents. Ce dialogue renforcé est soutenu en Hauts-de-France par des initiatives de formation et de mise en réseau des acteurs animés par l'IREV et l'URH. Il n'en reste pas moins que l'articulation des dispositifs, et en particulier leur gouvernance peut encore progresser. Ainsi, la Cour relève que la comitologie dédiée à l'ATFPB peut s'avérer chronophage et manque encore parfois d'articulation aux démarches de Gestion urbaine et sociale de proximité et au contrat de ville.
Renforcer le pilotage national
A l'échelle nationale, les modalités de suivi et de pilotage semblent à la peine. Sont notamment pointés par les magistrats :
- Du côté de l'Etat, un morcellement des responsabilités entre l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la direction générale des collectivités locales (DGCL), la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et la direction générale des finances publiques (DGFiP), des difficultés à stabiliser l'échange d'informations entre services et l'absence d'outil de suivi national. En effet, cette tâche a été déléguée à l'union Sociale pour l'Habitat, avec la mise en place de Quartiers Plus qui permettra aux partenaires un accès sux données remontées par les bailleurs sociaux.
- Des mesures ad hoc auraient pu éviter l'augmentation importante de la compensation apportée par l'Etat constatée en 2022 - de 68 à 121 M€ - en raison de la réforme de la taxe d’habitation. "Avant cette réforme, la part départementale de TFPB n’était pas compensée par l’État, contrairement à celle du bloc communal. Le transfert de la part départementale au bloc communal, a, en l’absence de toute disposition ad hoc, conduit à appliquer la compensation de 40 % à la part départementale transférée"
Mieux qualifier et objectiver le "sur-entretien"
La Cour recommande également de mettre en place un meilleur cadrage des actions susceptibles d’être financées par la TFPB : par la qualification plus précise du "sur-entretien" (ou "sur-intervention") nécessaire dans les QPV au regard d'une intervention normale du bailleur qui mériterait d'être mieux qualifiée et objectivée financièrement, mais aussi par des instructions plus précises sur les reports et la fongibilité des crédits. La Cour recommande ainsi pour 2026 l'élaboration d'un référentiel et un guide des bonnes pratiques permettant de s’assurer que sont exclusivement financées des actions qui ne le seraient pas dans le cadre de la mission normale du bailleur.
Enfin, la Cour estime que les dispositions juridiques actuelles sont insuffisantes. "Les préfets et les maires ne disposent pas de leviers d’action, sauf à dénoncer la convention d’utilisation de l’abattement de TFPB, ce qui constitue une sanction peu adaptée", car elles ne permettent pas de graduer les sanctions en cas de défaut partiel de justification. La Cour propose de corriger la situation en renforçant a minima le système actuel de contrôle, voire en étudiant la transformation de cet abattement en un dispositif de subvention plus classique à l’instar des autres outils de la politique de la ville.