En 2018, la Cour des comptes publiait un premier rapport sur l’éducation prioritaire pour la période 2006-2016. Elle recommandait déjà d’améliorer les outils d’évaluation, de réduire les effectifs des classes et d’encourager la mixité sociale. Dans la continuité de cette première évaluation, le rapport du 6 mai 2025 dresse un bilan de cette politique de 2015 à 2024 et préconise de la repenser.
Une politique d’éducation prioritaire devenue rigide malgré sa vocation initialement temporaire
À l’origine conçue comme une réponse transitoire aux inégalités scolaires, l’éducation prioritaire s’est progressivement installée dans la durée. Plusieurs facteurs ont contribué à l'ancrage et à la rigidification de cette politique :
Certaines limites ont été identifiées dès la mise en œuvre de cette politique en 1981. Ces constats ont conduit à une refondation en 2015, avec pour objectif de réduire à moins de 10 % les écarts de réussite entre les élèves de l’éducation prioritaire et ceux du reste du territoire. Cette refondation s’est notamment traduite par un cadrage au niveau national, la labellisation des réseaux REP et REP+, la création des Cités éducatives, ainsi que le dédoublement des classes du premier degré. Ces efforts, portés au niveau national, ont favorisé l’attractivité des postes et des écoles, notamment en REP+, ainsi que la stabilité des équipes.
Cependant, la Cour a constaté que le pilotage national s’est recentré principalement sur la gestion des moyens (budgets, ressources humaines, formation), reléguant au second plan les dimensions stratégiques, pédagogiques et évaluatives. Ces dimensions sont pourtant nécessaires pour mesurer l’efficacité de la politique et pour assurer son articulation avec la politique de la ville et l’ensemble du système éducatif.
Difficulté à s'adapter aux transformations sociales et à la diversité des besoins
La carte de l’éducation prioritaire n’a pas été actualisée depuis une décennie, alors que les réalités sociales ont profondément évolué : pauvreté accrue, inégalités renforcées et ségrégation territoriale plus marquée. Cette inertie a empêché le dispositif de s’adapter aux nouveaux besoins des territoires.
En parallèle, de nouveaux dispositifs locaux ont vu le jour (Cités éducatives, contrats locaux d’accompagnement, territoires éducatifs ruraux) rendant le paysage de l’éducation prioritaire plus complexe et difficile à évaluer dans sa globalité. A l'échelle locale, les différents acteurs de l'éducation prioritaire peinent à définir leurs rôles et à aboutir à une synergie partenariale.
Bien que les moyens humains aient été sécurisés dans le cadre de l'éducation prioriaire, les objectifs d'innovation pédagogique espérés en 2014-2015 n'ont pas été entièrement atteints jusqu'à aujourd'hui. La Cour réitère ses recommandations de 2018 sur le principe d’une allocation progressive, une gestion plus souple et adaptée aux réalités locales des établissements scolaires.
Peu d'impact sur la réussite scolaire des élèves
La politique de l’éducation prioritaire vise à assurer la réussite éducative en allouant des moyens complémentaires selon le principe d’équité. Bien que les résultats à court terme semblent prometteurs, l’estimation des effets à long terme reste moins évidente en raison de la complexité de cette politique.
La Cour des comptes appelle d’abord à une redéfinition des établissements ainsi que des dispositifs de l’éducation prioritaire, afin de mieux évaluer son impact réel et de permettre une adaptabilité plus agile.
Orientations de la Cour des Comptes
- Orientation n°1 : Mettre en cohérence l’ensemble des moyens concourant à la mixité sociale et à l’égalité des chances, au sein même de la politique scolaire de l’éducation nationale, tout en veillant à une bonne adéquation avec l’action des autres acteurs (politique de la ville, secteur médico-social, etc.) ;
- Orientation n°2 : Simplifier les mécanismes d’allocation des moyens pour permettre une meilleure lisibilité et davantage de progressivité dans la mise en œuvre de cette politique tout en veillant à faire évoluer les pratiques professionnelles au bénéfice de la réussite des élèves.
Revue d'actualités
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