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Quand les quartiers protestent - Retour sur le colloque du 6 et 7 novembre sur les révoltes des quartiers populaires de 2005 à nos jours

L’IREV était présent au colloque “Quand les quartiers protestent” organisé dans le cadre du projet Democracies, Citizenship  and Institutions facing the transformations of public Spheres (DemoCIS), le 6 et 7 novembre à Paris.

L’objectif était de faire un état des lieux de 20 ans de recherche après les émeutes de 2005 et de revenir sur les émeutes de 2023. Grâce à un tour d’horizon des études récentes de sciences sociales sur le sujet, ces deux journées ont permis de comprendre le phénomène des émeutes, face à des discours médiatiques et politiques souvent éloignés des réalités mises en évidence par la recherche. On peut retenir des travaux nombreux et pluridisciplinaires présentés au cours de cette journée plusieurs éléments de compréhension.

programme_revoltes_urbaines.pdf

Les QPV comme territoires à risque

Selon les travaux de Marco Oberti et Maela Guillaume-Le Gall, en 2023, les émeutes sont plus courtes mais plus intenses qu’en 2005, avec un plus grand nombre de policiers mobilisés et de dégâts et blessés constatés. En 2023, elles concernent également des villes petites et moyennes, en plus des grandes métropoles. Il existe une grande diversité de contextes territoriaux des émeutes (quartiers avec un fort de taux de pauvreté, de familles monoparentales, faible niveau de diplôme…), mais la plupart des critères sont très variables en fonctions des territoires et ne sont donc pas relevants pour expliquer le déclenchement d’une émeute selon Antoine Jardin. Pour les chercheurs, c’est la concentration dans un quartier d’une faible mixité sociale et scolaire et la part importante de population immigrée qui augmente les chances pour une ville de connaître des émeutes sur son territoire. Les villes comptant des QPV sont alors plus sujettes à connaître des émeutes.

Les raisons de la colère : racisme et violences policières

Nicolas Maisetti explique que du point de vue de la recherche, le paradigme actuel pose que les émeutes sont déclenchées par les processus d’identification des jeunes aux victimes, en lien avec les discriminations, les violences policières et le racisme systémiques. L’étude de Magda Orabi revient sur les sentiments de peur, de colère et parfois de résignation des jeunes face au racisme, aux discriminations et aux comportements des agents de police qu’ils subissent au quotidien.

De nombreuses hypothèses politisent ces révoltes en montrant qu’elles prennent la cible symbolique de l’Etat. C’est ce que démontre l’étude de François Brasdefer qui met en évidence les choix des objets à dégrader par les émeutiers : les propriétaires visés peuvent être proches spatialement des jeunes mais éloignés voire perçus négativement dans leurs représentations sociales et affectives. Il affirme que c’est en discutant avec les jeunes qu’il est possible de comprendre la subjectivation politique à l’œuvre.

De plus, les recherches d’Anaïk Purenne et de Mickaël Chelal font état d’une socialisation aux violences policières et à leur contestation par l’émeute, les jeunes plus âgés apprenant aux plus jeunes à comment se comporter pour se protéger en cas de contrôle policier au quotidien ou à comment agir pendant les émeutes. Cette socialisation passe aussi par la transmission et la lutte pour une mémoire collective des émeutes et des violences policières, qui se transmet oralement mais aussi visuellement dans le quartiers, notamment à travers les tags comme l’a remarquablement montré Paul Bourel.

Ainsi, les recherches permettent de relativiser l’idée que les émeutiers agissent de manière irrationnelle et dépolitisée. D’ailleurs, Mickaël Chelal montre que pour de nombreux jeunes, la participation à des émeutes a eu un impact dans des engagements militants et associatifs futurs.

Des pistes de réflexion pour agir : lutte contre les discriminations, écoute des jeunes et médiation sociale

Tous les travaux présentés au cours de ces deux jours ont mis en évidence la nécessité de lutter contre le racisme et les discriminations. Marion Guenot a notamment pu mettre en évidence l’existence de plusieurs visions dans les polices, certaines partageant de l’inquiétude face au comportement des agents sur le terrain et étant ouvertes aux travaux en sciences sociales pour mieux se former. Jérémie Moualek rappelle aussi le rôle des médias qui s’uniformisent et recherchent avant tout à mettre en avant des images spectaculaires au détriment des enquêtes de fond et de la parole des habitants.

L’importance de la cohésion sociale et du tissu associatif pour prévenir les violences urbaines a été mise en évidence à plusieurs reprises. Cette médiation sociale passe par les familles, les plus âgés, les mères, ainsi que par les agents de proximité. Roman Vareilles souligne le besoin de coopérations entre les associations, de soutien et de considération de la part des services publics, également pour les agents de proximités et travailleurs sociaux qui se trouvent parfois démunis face à ces situations. Un travail de co-construction doit être réalisée et la place doit être laissée aux jeunes, notamment en leur offrant des espaces où ils peuvent s’investir librement.

Ainsi, il ressort de ces deux jours de colloque l’urgence de lutter contre le racisme et les discriminations et de travailler sur la mixité sociale, notamment scolaire.

Des pistes de réflexions pour agir issues des travaux de l’IREV:

Mixité(s) sociale(s) : une mixité résidentielle et scolaire est-elle possible ? synthèse du 9 mars 2023

Synthèse de la journée régionale organisée par l'IREV, en partenariat avec l'Ecole du renouvellement urbain, le 9 mars 2023 à Lille. (à télécharger en pdf)

Synthèse de la journée régionale organisée par l'IREV, en partenariat avec l'Ecole du renouvellement urbain, le 9 mars 2023 à Lille.

Des travaux des chercheurs présents au colloque pour aller plus loin:

  • Les territoires des émeutes. La ségrégation urbaine au cœur des violences. par Maela Guillaume-Le Gall & Marco Oberti, le 12 avril 2024. https://laviedesidees.fr/Les-territoires-des-emeutes
  • Epstein, R., Guenot, M. et Jobard, F. (2023). Émeutes urbaines, sciences sociales et action publique Mouvements et stagnations dans la politique de la ville et les politiques de sécurité. Zilsel, 13(2), 11-22. https://shs.cairn.info/revue-zilsel-2023-2-page-11?lang=fr
  • Talpin, J., Balazard, H., Carrel, M., Hadj Belgacem, S., Kaya, S., Purenne, A. et Roux, G. (2021). L'épreuve de la discrimination : Enquête dans les quartiers populaires. Presses Universitaires de France. https://biblio.reseau-reci.org/index.php?lvl=notice_display&id=33769
  • Mickael Chelal, « Le centre social dans la cité : appropriations et tensions autour d’une institution socioculturelle en quartier populaire », Sciences et actions sociales [En ligne], 24 | 2025, mis en ligne le 09 avril 2025, consulté le 01 décembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/sas/5427
  • "Les quartiers protestent encore : se mobiliser par et pour les traces des révoltes de juin 2023 à Nanterre", Paul Bourel. Programme de communication pour le colloque "Quand les quartiers protestent" (6-7 novembre 2025). https://college-de-france.hal.science/UNIV-PARIS8-OA/hal-05327899v1
  • Jérémie Moualek (2 septembre 2024). [Recherche – INJEP] Les émeutes en continu. La fabrique (télé)visuelle des révoltes urbaines (2005-2023). Visu'élec. Consulté le 2 décembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/127sm
Publié le 02 décembre 2025