L'étude présentée par le Défenseur des droits vise à examiner les évolutions observées dans les représentations et les expériences rapportées dans le milieu professionnel. Le recueil du ressenti et du vécu apparaît comme essentiel pour comprendre les mécanismes et les leviers possibles. Elle permet de dresser un panorama plus large des discriminations et de leurs conséquences. 

L'emploi, le domaine dans lequel les discriminations sont les plus fréquemment rapportées 

Plus de 9 personnes sur 10 considèrent qu’il existe (parfois ou souvent) des discriminations dans l’emploi. Certains facteurs accroissent significativement la perception des discriminations comme le fait d'être perçu comme noir, arabe ou maghrébin (plutôt que blanc), ou encore le fait d’être diplômé d’un master ou d’un doctorat. En 2024, les personnes jeunes (18-24 ans) et les personnes non hétérosexuelles sont plus nombreuses que les autres à considérer que des personnes sont « souvent » discriminées, dans la recherche d’emploi comme dans le déroulement de carrière, alors qu’aucune différence n’était observée en fonction de l’âge ou de l’orientation sexuelle en 2016. 

LA RECHERCHE D’EMPLOI ET LE DÉROULEMENT DE CARRIÈRE RESTENT LARGEMENT EN TÊTE DES DOMAINES OÙ L’EXPÉRIENCE DE DISCRIMINATION EST LA PLUS FORTE

L’âge constitue le critère le plus souvent cité par les personnes ayant déclaré avoir été discriminées à l’occasion de la recherche d’un emploi, soit 42 % des enquêtés.  L’origine ou la couleur de peau sont le second motif, rapporté par 21% des personnes discriminées à l’embauche. 

Les discriminations liées à la situation familiale sont nettement plus souvent rapportées par les femmes que par les hommes (24 % contre 5 % des hommes se déclarant discriminés lors de la recherche d’un emploi), traduisant la persistance des stéréotypes de genre associés à la maternité pouvant entraver l’accès à l’emploi des femmes, notamment celles en âge d’avoir des enfants

DES QUESTIONS POSÉES EN ENTRETIEN PORTANT SUR DES CRITÈRES PROHIBÉS PAR LA LOI CONCERNENT 1 ACTIF SUR 2

En 2016 comme en 2024, une personne sur deux rapporte avoir fait l’objet de questions personnelles concernant un critère protégé par la loi à l’occasion d’un entretien d’embauche, d’un concours de la fonction publique ou d’un entretien d’évaluation. En particulier, les jeunes sont fréquemment interrogés sur leur âge, leur apparence physique ou leur quartier de résidence et les jeunes femmes sur leurs projets de parentalité. Les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines sont, quant à elles, 9 fois plus souvent interrogées sur leur origine ou leur couleur de peau que celles perçues comme blanches. 

DES PROPOS OU COMPORTEMENTS STIGMATISANTS SUR LE LIEU DE TRAVAIL QUI AUGMENTENT 

Sur le lieu de travail, les propos et comportements stigmatisants sont en hausse. En effet, 34 % déclarent en avoir fait l’objet en 2024, contre 25 % en 2016. Les propos à caractère sexiste, raciste, homophobe ou handiphobe sont pointés. 74 % des personnes discriminées dans le déroulement de carrière déclarent en avoir été la cible au cours des cinq dernières années. 

Des réactions et un recours au droit insuffisant 

Cette enquête pointe le fait qu'il existe un recours plus important pour les expériences qui concernent le déroulement de carrière que celles vécues lors du recrutement. Ainsi, il semble que les modalités de recours et de signalement soient davantage connues lorsque les personnes sont en situation professionnelle. Cependant, de manière générale, le taux de recours reste faible et lié à des craintes quant aux représailles, aux issues incertaines, infructueuses. 

Des groupes sociaux plus impactés avec des taux de recours plus faibles

A noter également, que certains groupes sociaux davantage impactés par l'expérience des discriminations se resignent à faire valoir leur droit. En dépit de la multiplicité des atteintes aux droits qu’elles rapportent dans l’emploi, les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines réalisent moins de démarches que celles perçues comme blanches à la suite d’une expérience de discrimination (29 % contre 42 %). 

Des recommandations par le DDD qui apparaissent urgentes 

Le Défenseur des droits rappelle l’importance d’inclure l’ensemble des critères prohibés de discrimination, et notamment celui de l’origine, dans les actions menées par les organisations pour conduire des politiques d’égalité à vocation transversale.

En ce sens, les plans doivent permettre d’articuler différents leviers d’action, tels que :

  • Formaliser un diagnostic ou un état des lieux propre à l’organisation sur le ressenti des discriminations par ses collaborateurs et collaboratrices ;
  • Sensibiliser et former le personnel, non seulement impliqué dans le recrutement, mais aussi la direction, le service des ressources humaines, les équipes, et en particulier les managers ;
  • Promouvoir les principes d’objectivité, de transparence et de traçabilité ;
  • Prévenir et traiter les signalements de discriminations. 

Retrouvez l'enquête "Les évolutions des discriminations dans l'emploi entre 2016 et 2024" [1]

Présentation du 18e baromètre sur les perceptions des discriminations dans l'emploi

Zoom sur l'étude de l'Observatoire de l'APEC " Lutte contre les discriminations liées à l'origine-Encore peu d'engagement et d'actions spécifiques" 

A l'occasion du webinaire présentant les résultats de l'enquête du DDD, Hélène Garner Directrice de l'Observatoire de l'APEC, intervenait pour porter les enseignements de l'étude menée auprès d'experts et d'entreprises permettant d'analyser plus finement le travail réalisé au sein des organisations, les angles morts perçus ainsi que les leviers permettant de mieux lutter contre les discriminations. 

En effet, la perception et le vécu rapportés par certains groupes sociaux comme le mentionne le DDD interrogent le rôle crucial des entreprises à lutter contre toutes formes de discriminations ethno raciales. L'étude conduite auprès d'experts, de référents "Diversité" mais également par une analyse qualitative des accords d'entreprise pointe un certain nombre de constats permettant de comprendre la persistance et l'augmentation de propos à caractère raciste ainsi que des difficultés à traiter, accompagner et à prévenir ces atteintes au droit et à la dignité des salariés au sein des organisations. 

Les accords d'entreprise ne mentionnent pratiquement jamais explicitement la discrimination liée à l'origine 

En effet, sur 14 680 accords portant sur le thème de la "non-discrimination-diversité" seulement 39 évoquent directement le racisme. Lorsque l'enjeu est évoqué, il s'agit davantage d'un rappel à la loi précisant le principe légal de non-discrimination et/ou celui de la promotion de la diversité. 

Deux constats pointent : 

- Le référentiel relatif à la promotion de la diversité ne renvoie à aucun cadre légal et fait l'objet d'une interprétation qui peut occulter les enjeux de mixité ethnique.

- La multplication des référentiels ainsi que les obligations légales plus affirmées telles que l'égalité femme-homme ou le handicap contribuent à hiérarchiser les "causes" et limitent en ce sens la prise en compte des problématiques à caractère racial au sein des entreprises, qu'il s'agisse des actes et/ou des propos. 

Des formations insuffisantes, hétérogènes, "théoriques", centrées sur le recrutement 

Bien qu'il existe une obligation de formation à la non-discrimination des professionnels en charge des missions de recrutement, cette dernière reste très critiquée par les experts en raison de sa périodicité (obligation tous les 5 ans), de ses formats trop courts, de ses contenus trop généralistes qui portent sur l'ensemble des critères de discrimination et le manque de témoignages, d'incarnations ancrées dans le quotidien des professionnels, notamment des cadres et dirigeants. S'en suivent des recommandations visant la mise en place :

  • De formations plus régulières, visant la totalité des salariés ; 
  • De formations qui s'appuient sur une expertise et une pédagogie permettant d'interroger les pratiques et les organisations.

Des dispositifs de signalement peu mobilisés

Ces constats rejoignent en tous points les conclusions du Défenseur des droits s'agissant de la faible mobilisation des dispositifs de signalement. Si l'étude ne pointe pas spécifiquement le degré de connaissance des salariés ou encore les efforts realisés par les entreprises elles-mêmes pour les faire connaitre auprès de leur personnel, le manque de confiance des victimes et l'autocensure qui en résulte amènent aux mêmes constats : 

- Les victimes préfèrent le plus souvent se taire au regard des coûts émotionnels et financiers ;

- La confiance en ces dispositifs au regard des faibles sanctions reste donc relative. 

" Une majorité d’experts signalent à ce sujet que l’impact des sanctions mises en place est affaibli en cas de traitement discret et non public des incidents, d’asymétrie de la réponse apportée en fonction des salariés et de persistance d’ambiances de travail propices aux propos et comportements discriminatoires". 

Quelles préconisations, quelles priorités ? 

  • Faire évoluer les processus de recrutement pour lutter contre les biais et stéréotypes liés à l'origine 

La diversification des canaux de recrutement avec l'ambition de sourcer de manière plus large les profils des cadres issus de l'immigration passe en premier lieu par une ouverture des partenariats avec les écoles, les associations et les intermédiaires du recrutement. 

  • Faire de la gestion de carrière un outil de lutte contre les discriminations 

La transparence, la traçabilité maximale concernant les opportunités professionnelles, les critères d'évaluation des candidats et les justifications des choix effectués apparaissent comme un enjeu fort. 

  • Mesurer systématiquement pour affiner les diagnostics

Les testings majoritairement utilisés par le monde de la recherche et de l'action publique comportent des avantages mais ils sont aussi coûteux, chronophages et complexes, se centrant majoritairement sur l'une des premières étapes du recrutement. D'autres méthodes permettant de se centrer sur l'analyse patronymique autorisée par la CNIL depuis 2007 constituent des alternatives inspirantes. 

Retrouvez l'étude complète " Lutte contre les discriminations liées à l'origine-Encore peu d'engagement et d'actions spécifiques" [2]

"Les discriminations ne sont ni des exceptions dans l'emploi, ni des accidents"

Discours de clôture-Georges Pau-Langevin- Adjointe en charge de la LCD et de la promotion de l'égalité

En 2006, le réseau RECI (dont l'IREV est membre) présentait une note de cadrage sur la manière dont les entreprises appréhendaient la prévention des discriminations. Cette dernière pointait le fait que les discriminations au travail et en particulier à l'embauche étaient celles le plus souvent mises en avant. Ce sont également celles qui ont le plus donné lieu à la mise en œuvre d'actions. En 2018, plus de 10 ans après, le renouvellement de ce travail faisait émerger plusieurs pistes toutes pertinentes aujourd'hui : 

  • Repenser le cadre et le portage des pouvoirs publics ; 
  • Renforcer la lisibilité des résultats et leur visibilité afin de continuer à lever le déni des acteurs ; 
  • Dynamiser la mobilisation des parties impliquées et particulièrement celles des partenaires sociaux et acteurs de la justice ; 
  • Renforcer l'accès au droit des potentielles victimes. 

A l'approche de 2026, de nombreuses initiatives sont relevées mobilisant acteurs publics et privés. Si ces préconisations sont toujours pertinentes, il semble que les efforts sont plus que jamais nécessaires, qu'une conduite et une impulsion nationale permettant une synergie des intentions et des actions soient indispensables pour d'une part favoriser le déploiement de plans locaux, le financement de déclinaisons opérationnelles et d'autre part légitimer les victimes à faire valoir leurs droits. 

Si ces études ne mentionnent pas explicitement les effets sur les habitants des QPV, les référentiels et analyses produites démontrent la prégnance du caractère ethno racial dans les pratiques discriminatoires. Déplacer le référentiel c'est ainsi accepter que la composition ethnique et sociale des quartiers "accueillant " les populations étrangères et issues de l'immigration subsaharienne sont davantage exposées aux discriminations et à leur imbrication, renforçant les situations d'inégalités. 

Partant de cette problématique, le rôle des centres de ressources de la politique de la ville est essentiel dans cette entreprise.

- Comment faire "ressource" et faire émerger des initiatives et outils qui ont démontré leur utilité et leur pertinence et favoriser, non pas un recommencement, mais bien un travail continu et renforcé de nos modalités d'intervention et de mobilisation ? 

Les discriminations dans l'emploi comme dans les autres domaines constituent un problème sociétal que nul ne peut ignorer, nier. Il s'agit bien là d'atteintes à la dignité qui dépassent les enjeux d'accès au(x) droit(s) et qui appellent sans contestation à une mobilisation systémique et une responsabilité collective. La politique de la ville à travers ses engagements territoriaux s'avére être stratégique. 

N'hésitez pas à contacter le Pôle prévention des discriminations de l'IREV pour conforter les mobilisations territoriales !

Il n'y aura pas d'avancée réelle sur la prévention des discriminations dans le champ de l'emploi sans un engagement exigeant, fort et lisible de la part de ces derniers. Il doit s'opérer à tous les niveaux : sémantique, juridique, institutionnel et à toutes les échelles d'intervention

Note du réseau RECI "Prévention des discriminations dans l'emploi-Quel est le chemin parcouru depuis 10 ans ?" Mars 2018
Information générale [4]
Mardi 16 décembre 2025 - 10:15
Publié le 16 décembre 2025